Pour l'auteur, la façon la plus efficace de rompre avec une toxicomanie est le «do it yourself», en se passant de l'aide d'interventions extérieures. Il présente un programme d'auto-désintoxication en 5 étapes.

"Do It Yourself', says the author, "if you want to kick the habit and don't rely on external helpers." He proposes a five-step program of self-detoxication.

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Pshychotropes, Vol. I, No 3 printemps-été 1984. Traduit de l'Anglais par R. Verbeke.

Hors du piège de l'habitude

Stanton Peele [ * ]

 

Un homme qui s'enivrait tous les soirs depuis plusieurs années rentra une nuit chez lui, soûl comme d'habitude. Le lendemain matin, sa mère, chez qui il habitait, le trouva en train de s'observer dans un miroir. Se tournant vers elle, il lui annonça: «]'arrête de boire et, tant que j'y suis, de fumer.» Il plaça alors une bouteille de bière et un paquet de cigarettes sur la cheminée. — «Que fais-tu ?», lui demanda sa mère. Il répondit: — «De cette façon, je sais où trouver de quoi boire ou fumer si je le souhaite. Mais dans ce cas, autant me tuer.» Voilà près de dix ans qu'il n'a plus jamais fumé ni bu.

Un délégué syndical, constatant que le prix des cigarettes avait augmenté une fois de plus, ajouta une pièce supplémentaire dans le distributeur. Un de ses collègues s'esclaffa: — «Quoiqu'ils exigent, tu paieras toujours.» Le fumeur réfléchit: — «Bon sang! Mais c'est vrai! La compagnie de tabac fait de moi ce qu'elle veut.» Et il abandonna à l'instant et pour toujours son habitude de trois paquets par jour.

Le speaker Merv Griffin observait un comédien qui l'imitait en mettant l'accent sur sa grosseur. Griffin ne put supporter cette caricature. Il se mit à la diète et, bientôt, ce fut l'image de quelqu'un de mince qu'il put montrer à son public.

Les journaux rapportent rarement ce genre d'anecdotes, et ces gens qui décrochent d'eux-mêmes de longues habitudes restent méconnus, même des chercheurs. Par contre, on relate sans cesse le cas d'individus incapables de décrocher et on signale des pour­centages énormes de rechute. Actuellement, aux U.S.A., parmi les gens en thérapie pour perdre du poids, cesser de fumer ou sortir d'un autre type de toxicomanie, 5 % seulement y parviennent.

D'où la constatation, pleine à la fois d'ironie et d'espoir: s'en sortir par soi-même est souvent efficace, mais quand on dépend de quelqu'un d'autre pour se défaire d'une habitude, cela ne réussit habituellement pas.

C'est le cas pour des toxicomanies telles que la cigarette ou l'alcool, mais aussi pour des habitudes plus complexes. L'obésité, par exemple, peut résulter d'une boulimie obsessionnelle, d'une toxicomanie aux aliments, mais d'autres facteurs interviennent également ici: causes génétiques, vie inactive, mauvaises habitudes alimentaires. Cependant, quelle que soit la cause de l'obésité, perdre du poids implique un changement majeur dans le style de vie, et ceux qui y parviennent le mieux sont ceux qui le font de leur propre initiative.

Le thérapeute contribue à l'échec de ses clients parce qu'il diminue leur confiance en soi; il encourage les gens à s'appuyer sur d'autres et àse déresponsabiliser vis-à-vis de leur propre comportement. Et comme les thérapies sont rarement efficaces, beaucoup de chercheurs en sont arrivés à considérer les toxicomanies comme presque impossibles à extirper. Erreur qui rend les habitudes plus difficiles à briser.

Beaucoup se sont mis à concevoir les toxicomanies comme un processus exclusivement biologique, processus qu'on ne peut vaincre par un effort psychique. Selon cette conception, les alcooliques ont une «maladie», une «susceptibilité génétique» à l'alcool, le poids des obèses est programmé à l'avance et le corps des fumeurs ne peut tolérer un arrêt de la drogue.

Toutes ces théories proviennent d'une conception qui a trait à l'héroïne. On connaît tous le stéréotype de l'héroïnomane inexorablement accroché par une dépendance physiologique. L'état de manque serait une agonie intolérable et le toxicomane augmenterait ses doses jusqu'à la mort. Qui ne se souvient de «L'homme au bras d'or» ? [ 1 ]

Pendant plus de 10 ans, j'ai interviewé des toxicomanes de tous genres et passé en revue les recherches sur tous les types de toxicomanie. J'en ai conclu que la toxicomanie peut être affectée par des facteurs biologiques, mais que ceux-ci ne suffisent pas à l'expliquer. En fait, la toxicomanie résulte partiellement de l'action pharmacologique du produit (si celui-ci est toxicomanogène), mais aussi de la situation sociale, des attitudes et des attentes de la personne. Même les individus constitutionnellement sensibles à un produit peuvent en contrôler l'usage s'ils croient qu'ils le peuvent.

On dispose maintenant d'arguments suffisants pour établir le bien-fondé de ces assertions hérétiques. La preuve la plus convaincante a trait au succès des gens qui se soignent par eux-mêmes, sans recourir à une thérapie:

— À partir d'une analyse des résultats d'une enquête nationale sur l'usage des psychotropes pour la tranche d'âge de 10 à 30 ans, John O'Donnell, sociologue à l'Université du Kentucky, mit en lumière que de tous ceux qui avaient déjà consommé de l'héroïne, 31 % seulement en avaient utilisé au cours de l'année précédant l'enquête.

— Quand les G.I. qui avaient consommé de l'héroïne au Vietnam regagnèrent leurs foyers après la guerre, près de 90% d'entre eux abandonnèrent cette drogue sans difficultés. Les experts en toxicomanie avait prédit une épidémie d'usage abusif d'héroïne par les vétérans, mais celle-ci ne vit jamais le jour. Lee Robins, psychologue à l'Université de Washington, mit en évidence que même parmi les G.I. qui avaient été vraiment accrochés à l'héroïne au Vietnam, seuls 14% restèrent dépendants des opiacés aux États-Unis.

— Georges Vaillant, psychiatre à Harvard, a établi que plus de la moitié d'un groupe de plusieurs centaines d'alcooliques avaient supprimé tous leurs problèmes de boisson.

— Sur base des interview des membres de deux communautés différentes, Stanley Schachter, psychosociologue à la Columbia University, découvrit que près de la moitié de ceux qui avaient été un jour soit obèses, soit accrochés au tabac avaient perdu leur excédent de poids ou arrêté de fumer. Les personnes auparavant obèses avaient perdu en moyenne 35 livres, et ce depuis un temps moyen de 11 ans.

On peut évidemment mettre en question la validité de certaines de ces statistiques. Lorsqu'on demande à des gens de parler de ce qui a changé chez eux au cours des dernières années, ils peuvent enjoliver leur aptitude à s'améliorer eux-mêmes. Mais même si les pourcen­tages sont exagérés, il reste évident que les individus peuvent changer pour leur bien, beaucoup plus qu'on ne les en avait crus capables.

Souvent, les gens croIssent plus vite que leurs mauvaises habitudes. Charles Winick, sociologue au City College de New York, a suivi l'évolution de nombreux toxicomanes. Beaucoup, selon les termes de Winick, «gagnent en maturité» avec l'âge. Les études à long terme d'alcooliques et de fumeurs montrent la même évolution.

Pourquoi la biologie n'est pas le destin

Un autre fait s'oppose à la théorie du «piège biologique» de la toxicomanie. La plupart des toxicomanes, quel que soit le produit auquel ils sont accrochés, surmontent régulièrement les angoisses d'un éventuel état de manque. Comme l'a découvert Norman Zinberg, psychiatre à Harvard, les héroïnomanes interrompent ou arrêtent fréquemment d'eux-mêmes leur usage d'héroïne. Souvent, les alcooliques ne souhaitent pas passer par l'hôpital pour se désintoxiquer. Pratiquement tout fumeur de cigarettes arrête à un certain moment, pour une période qui peut s'étendre de quelques jours à plusieurs années. Les Juifs orthodoxes arrêtent d'ailleurs chaque semaine pour le Sabbat.

Le plus souvent, c'est longtemps après la période d'angoisse du manque que la plupart des toxicomanes reprennent leur usage de drogue. Quand ils recommencent, ce n'est pas à cause d'un obsédant besoin physiologique, mais pour d'autres raisons, telles qu'un stress au travail ou à la maison.

Il existe aussi un mythe selon lequel une seule prise de drogue peut vous accrocher chimiquement. En fait, la plupart des gens ont besoin d'un apprentissage pour devenir toxicomanes.

Comme l'a montré Zinberg, les patients hospitalisés qui ont reçu quotidiennement de fortes doses d'opiacés pendant 10 jours ou plus — doses souvent plus élevées que celles prises par les toxicomanes — quittent presque toujours l'hôpital sans éprouver le moindre besoin de drogue.

Pour qu'une toxicomanie s'installe, les effets pharmacologiques d'un psychotrope doivent induire une expérience ressentie comme gratifiante par le sujet, compte-tenu de ses besoins et de sa situation. Quand le besoin est suffisamment marqué, les gens peuvent s'accrocher pratiquement à n'importe quoi. Les toxicomanes peuvent passer non seulement d'un produit chimique à un autre, mais aussi d'un produit à un «high» social. Vaillant rapporte que d'anciens alcooliques tombent souvent dans de nouvelles formes de dépendance: sucreries, travail forcené, hobbies ...

La dépendance est aussi largement fonction des croyances des gens quant aux effets qu'une substance aura sur eux. Alan Marlatt, psychologue à l'Université de Washington, a découvert que les alcooliques manifestent un comportement d'ivresse simplement quand ils pensent avoir bu de l'alcool — alors qu'ils n'on bu en fait que du tonique et du jus de citron. Il trouva aussi l'inverse: quand des alcooliques boivent de l'alcool tout en croyant que ce n'est que du tonique et du jus de citron, ils ne manifestent pas d'état d'ébriété.

Malgré de telles évidences, on a continué à chercher — sans succès — un facteur purement physiologique qui serait à la base de toutes les toxicomanies. Les premiers suspects ont été les endorphines, ces substances analogues à la morphine sécrétées naturellement par l'organisme.

Certains pharmacologues ont spéculé que les gens sont enclins à développer des états de dépendance aux psychotropes si leur corps ne sécrète pas suffisamment d'endorphines. Leur théorie suggère que toute toxicomanie aurait pour rôle d'élever le taux d'endorphines. Lorsqu'il apparut que des gens pouvaient même développer un état de dépendance vis-à-vis du jogging, on procéda à des analyses biochimiques sur des coureurs. Le jogging augmente effectivement le taux d'endorphines, mais celles-ci ne permettent pas d'expliquer la différence entre ceux qui arrêtent de courir lorsque la course présente des inconvénients et ceux qui se comportent vis-à-vis du jogging comme de véritables toxicomanes.

Un homme très décharné, qui attachait beaucoup d'importance au fait de courir beaucoup tous les jours, indépendamment du temps, des obligations familiales ou de tout autre empêchement, m'expliqua son état de dépendance en ces termes: «Je me sens en pleine forme chaque fois que je cours; maisje suis effrayé à la pensée de revenir à un poids de 100 kilos le jour où j'arrêterais.» Son désir de courir était plus qu'un besoin de nature chimique; il voyait la course comme un talisman magique contre le fait de retrouver son ancien moi.

La meilleure explication des états de dépendance tient compte à la fois de la conscience et du corps. On ne peut isoler les effets d'un produit du contexte de l'expérience humaine. Penser à la toxicomanie seulement en termes de «maladie» ou de «dépendance chimique», c'est oublier le pouvoir de la conscience sur la naissance du désir d'une drogue et sur l'extinction de ce besoin.

Le cycle de la dépendance s'installe en réponse à un problème générateur de tension ou comme tentative pour provoquer certains états psychiques. Comme l'a montré David McClelland, psychologue à Harvard, beaucoup de gens ressentent un sentiment de puissance quand ils sont ivres.

Ces sentiments, en retour, introduisent un cycle qui rend la toxicomanie de plus en plus difficile à éviter. Ainsi, un homme qui maltraite sa famille quand il est ivre peut se sentir dégoûté de lui-même quand il est sobre, de sorte qu'il s'enivrera de nouveau pour retrouver l'estime de soi. Rapidement, l'expérience addictive, toxicomaniaque en arrive à se nourrir d'elle-même. Elle devient l'axe de la vie de l'individu, elle devient un piège.

Les étapes vers l'autodésintoxieation

Comment parvient-on à se défaire d'une habitude après des années de vie en commun? Pour répondre à cette question, deux sociologues de San Francisco, Dan Waldorf et Patrick Biemacki ont interviewé des héroïnomanes qui avaient décroché d'eux-mêmes, tandis que le sociologue Barry Tuchfeld, de la Christian University du Texas interviewa 50 alcooliques qui arrêtèrent de boire sans passer par une thérapie ou par les Alcooliques Anonymes. Et en menant nos propres recherches sur le terrain avec des toxicomanes de tous types, mon collègue Archie Brodsky et moi avons dégagé les étapes critiques dans l'autodésintoxication.

Le mot clé est SOI, la prise en charge de ses propres problèmes. C'est ce que certains psychologues appellent la maîtrise de soi, d'autres, l'efficacité personnelle, d'autres encore, la foi en la libre volonté. Elle comprend trois composantes nécessaires au changement : 1) vouloir décrocher; 2) être convaincu qu'on en est capable et 3) réaliser que c'est soi-même qui doit arrêter, personne d'autre ne pouvant le faire pour soi. Une fois qu'on a décroché, les gratifications de la vie sans la toxicomanie doivent être suffisantes pour qu'on se maintienne hors de cette dépendance.

Les étapes d'une cure personnelle réussie sont remarquablement similaires, quelle que soit la toxi­comanie:

1. Accumulation de déboires provoqués par la toxicomanie

Pour qu'un changement puisse se manifester, les déboires düs à cet état de dépendance doivent atteindre un point qui ne peut être nié ou rationalisé. Cette phase du processus de désintoxication peut être comparée, pour reprendre l'analogie de Vaillant, à l'incubation d'un poulet: le fait qu'il sorte assez brusquement de sa coquille ne signifie pas que cela soit arrivé de manière spontanée. De nombreux changements sont survenus auparavant à l'intérieur de la coquille.

Pour rompre avec une toxicomanie, on doit être convaincu que les gratifications qu'on en retirera surpasseront celles que procurait la dépendance. Les héroïnomanes qui «mûrissent» expliquent aux enquêteurs qu'une vie de larcins et de prison ne valait plus le coup.

2. Un moment de vérité

Une femme alcoolique enceinte rapporta à Tuchfeld: «Un matin où j'étais en train de boire de la bière, j'ai senti le bébé trembler. J'aijeté ce qui me restait de bière et me suis dit: Que Dieu me pardonne, je ne boirai jamais plus.» Une femme, qui avait arrêté (et recommencé) plusieurs fois de fumer se retrouva une nuit à chercher désespérément de quoi fumer parmi les mégots d'un cendrier: «Je me suis vue brusquement», me raconte-t-elle, «et j'en fus dégoûtée.» Voilà quinze ans qu'elle ne fume plus.

La plupart des toxicomanes peuvent se remémorer un moment précis où ils sortirent de leur toxicomanie et la laissèrent derrière eux.

Ces renaissances peuvent avoir comme point de départ un événement dramatique, par exemple un fumeur qui a vu un de ses amis mourir d'un cancer du poumon. Mais la plupart des moments de vérité semblent s'inspirer de remarques ou d'événements banaux.

3. Changements dans le style de vie

Les gens qui réussissent une cure personnelle procèdent le plus souvent à des changements dans leur environnement: ils quitteront un milieu culturellement orienté vers la drogue, s'impliqueront davantage dans le travail, se feront de nouveaux amis ... Certains rompent cependant avec une toxicomanie sans changer leur mode de vie. L'homme dont il était question au début de ce texte — un grand fumeur et buveur — était un musicien qui continua à passer presque toutes ses nuits dans les bars, mais en se réfugiant derrière une nouvelle identité — «Je suis un musicien non-buveur et non­fumeur» — qui le protégeait.

4. Cesser de se considérer comme toxicomane

À partir du jour où l'ex-toxicomane retire plus de gratifications de sa nouvelle vie que dans le passé (meilleurs rapports avec soi, avec les autres, avec le travail, plus de moments gais), le leurre de la toxicomanie perd de son attrait. Un héroïnomane de longue date, cité dans l'ouvrage «High on Life», quitta la drogue dans la trentaine, retourna sur les bancs de l'école et obtint un bon job. Plus tard, au cours d'une hospitalisation, on lui prescrivit du Percodan — un opiacé synthétique — à des doses illimitées. Il fit remarquer qu'il ne souhaitait continuer à prendre cette médication que s'il souffrait vraiment: «J'avais maintenant une relation différente avec les gens, avec le travail, avec les choses qui étaient devenues impor­tantes pour moi.»

5. S'accommoder des rechutes

Un des problèmes qu'on rencontre avec les théories biologiques de la toxicomanie, c'est l'image de la rechute imminente qu'elles créent dans l'esprit du toxicomane, l'idée que le moindre faux pas constitue un retour à une toxicomanie permanente. Parmi les ex­fumeurs de Schachter, beaucoup ont reconnu avoir tiré quelques bouffées de tabac à l'occasion d'une soirée. Lee Robins a noté que la moitié des ex-héroïnomanes revenus du Vietnam reprirent encore à l'occasion de l'héroïne aux États-Unis, mais que rares furent ceux qui en redevinrent dépendants. L'ex-toxicomane qui a modifié sa vie dans le sens de plus de gratifications s'accommode d'une rechute et la contrôle.

Les étapes pour sortir d'une toxicomanie se ramènent donc à: trouver une alternative plus gratifiante que l'état de dépendance dont vous voulez vous défaire; trouver des gens capables de vous aider à parvenir au moment de vérité où vous vous percevrez tel que vous êtes devenu, changer votre style de vie de telle façon qu'il s'accorde au mieux avec vos habitudes de vie nouvelles, plus saines et célébrer chaque fois que vous le pouvez votre nouvelle image.

Le point commun à toutes ces étapes, c'est votre action, vos croyances. Ceux qui s'en sortent d'eux-mêmes recourent souvent à des tehniques analogues à celles qu'on trouve dans les programmes de traitement habituels. Mais ceux qui en sont arrivés à ces techniques de leur propre initiative font preuve de plus d'efficacité que ceux qui sont en thérapie.

Comment cela s'explique-t-il? Une possibilité, évidemment, c'est que les gens qui font appel à des professionnels sont les cas les plus difficiles, ceux qui ont essayé de changer par eux-mêmes, mais n'y sont pas parvenus. Certains peuvent essayer une dizaine de fois de cesser de fumer ou de perdre une dizaine de kilos avant de se décider à demander de l'aide. Mais je pense aussi que la thérapie en elle-même peut interférer négativement avec la cure, en donnant au toxicomane une image diminuée de son aptitude au contrôle de soi. En se tournant vers la thérapie, les toxicomanes admettent inconsciemment qu'ils se sentent incapables de se désintoxiquer. Il y a une vingtaine d'années déjà, le sociologue Charles Winick avait constaté que les adolescents qui ne parvenaient pas à sortir d'une intoxication à l'héroïne étaient ceux qui avaient décidé qu'ils étaient esclaves de l'héroïne et que leur toxicomanie était inévitable. En fait, à part la mort — et les impôts —, rien n'est vraiment inévitable. Tout le reste est négociable et susceptible de changements positifs.

Notes

  • * Docteur en psychologie sociale, Stanton Peele est professeur à l'Université Columbia, à New York.
  1. «L'homme au bras d'or» (<<Man with the golden arm») est un roman de Nelson Algren (1949) décrivant le milieu des morphinomanes dans le «West side» de Chicago. Ila été traduit en Français par Boris Vian et publié chez Gallimard en 1956.